Prologue

"Je ne sais pas quel souvenir vous avez de votre grand-mère.

Le mien est assez terne. Je revois un visage sans joie, les cheveux tirés, le sourire absent. Je n'ai jamais connu ses bras, ses baisers ou seulement quelques-uns : ils piquaient, je n'aimais pas ça.

Je revois ses jambes lourdes, crispées dans des bas épais, son immuable tablier gris, ses grosses chaussures, ses mains couvertes de taches brunes, rugueuses de trop de lessives.

Une ombre qui disparaissait lentement à mesure que le soleil des générations montantes se levait".

"....elle vivait à l'ombre de mon grand-père, docile, résignée. Lui, parfois, me prenait sur ses genoux. Je crois que je l'aimais bien. Il avait la tendresse âpre de ceux qui ne savent pas exprimer leurs sentiments. Je me sentais toute petite dans ses grosses pattes, comme l'oisillon dans la paume d'un géant. C'était éphémère et rassurant ..."

Le temps n'existe que pour ceux qui en ont peur .. Oui, nous les grands-mères, nous avons des rides, nous ne correspondons plus aux critères de la société. Nous disparaissons, invisibles aux yeux des actifs. Des actifs que, par ailleurs, nous avons quittés le cœur léger, pour nous tourner vers un ailleurs inconnu, mystérieux, plein de promesses pour certaines, angoissant pour d'autres. Un ailleurs que nous avons le choix de laisser s'écouler tranquillement, nous grignoter doucement... Ou alors, de le prendre au mot. Te voilà déjà le temps d'après, te voilà qui me nargue ? A nous deux ! Relevons le défi ! Je ne suis pas ta victime. Certes, tu auras le dernier mot, un jour ? En es-tu bien certain ? Je vais te donner du fil à retordre, te narguer, te provoquer, te prouver que derrière le masque que l'on appelle "la vieillesse" se cache une véritable envie de vivre, une force créative à laquelle j'ouvre la porte, à laquelle je dis "TONGA SOA" (bienvenue) ....